Aménagements fauniques dans la région de Baie-du-Febvre : Fréquentation par les oiseaux et les anoures pour la période avant aménagement

Bilan des activités 2012

Remerciements

Je tiens à remercier Sébastien Paradis (Service canadien de la faune) pour sa participation aux inventaires d'oiseaux, Yves Robitaille, Mathieu Thériault et Philippe Brodeur (Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec) pour leur aide au niveau de la logistique et des inventaires d'anoures, et David Rivest (Agriculture et Agroalimentaire Canada) pour ses informations sur le projet en agroforesterie à la ferme Bertco. Je remercie également les membres du comité de travail qui ont participé à ce projet : Louise Corriveau, Maryse Longchamps (Comité ZIP du lac Saint-Pierre); Victor Savoie, Marie-France Gagnon, David Lapointe; Gino Lévesque (MAPAQ); Philippe Brodeur (MFFP Mauricie et Centre-du-Québec); Manon Couture (COPERNIC); Pierre-Yves Malouin (SARCEL); Guillaume Daigle (Canards illimités); Isabelle Girard (MRC Nicolet-Yamaska); et David Rivest (Agriculture Canada). Je remercie particulièrement les producteurs agricoles qui ont accepté de participer à ce projet.

Contexte

L'intensification des pratiques agricoles depuis les années 1950 a entraîné une détérioration des milieux naturels dans le Sud du Québec. Les cours d'eau ont été redressés, les milieux humides drainés, les superficies boisées réduites, et les pâturages et les cultures pérennes ont largement été convertis en cultures annuelles à grandes interlignes ce qui a contribué à réduire grandement les habitats disponibles à de nombreuses espèces fauniques (Latendresse et coll. 2008; Rioux et coll. 2009). De fait, plusieurs espèces d'oiseaux champêtres comme le Goglu des prés, la Sturnelle des prés et l'Hirondelle rustique sont devenues rares dans le paysage agricole québécois (ICOAN 2012). Ces changements marqués aux paysages agricoles sont aussi observés dans la plaine inondable du lac Saint-Pierre (Richard et coll. 2011), un milieu unique très productif où on observe également un déclin des populations de perchaudes (Magnan et coll. 2008) en raison des pertes d'habitats et de la dégradation des milieux humides.

Dans un souci de rétablir les populations de ces espèces en déclin, des aménagements fauniques ont été réalisés dans la plaine inondable du lac Saint-Pierre depuis 2003 selon un concept de cohabitation agriculture-faune (Groupe de travail « intendance en milieu agricole : culture du littoral au lac Saint-Pierre » 2010). À cet effet, des travaux de restauration ont été réalisés sur trois cours d'eau de la rive Sud du lac Saint-Pierre au cours de l'automne 2012 afin d'y restaurer l'habitat du poisson tout en permettant la culture des terres adjacentes. Parallèlement à ces travaux, une parcelle agroforestière a été implantée à la ferme Bertco afin de démontrer les bénéfices fauniques et agronomiques d'intercaler dans un même champ des cultures traditionnelles (luzerne, céréales) et des rangées d'arbres espacées de 40 m et plantées d'essences nobles (chêne, érable, noyer).

Afin d'avoir un portrait des communautés fauniques présentes avant que les aménagements ne soient effectués, des inventaires d'oiseaux et d'anoures (grenouilles) ont été faits dans les semaines précédant les aménagements. Ces données formeront ainsi la base sur laquelle un suivi pourra être effectué pour évaluer les bénéfices à long terme de ces aménagements pour ces groupes fauniques.

Secteurs d'inventaire

Trois secteurs ont été retenus pour les inventaires d'oiseaux et d'anoures où des amé-nagements ont été effectués en 2012 soit 1) le secteur Côté-Lefebvre/Brielle qui inclus les cours d'eau Côté-Lefebvre au nord de la route 132 et la branche Sud-Ouest de la rivière Brielle qui longe le territoire de la Défense nationale, 2) le secteur du ruisseau Blondin situé entre la route 132 et la limite du territoire de la Défense nationale et 3) une parcelle (8 ha) sous aménagement agroforestier appartenant à la ferme Bertco située à l'est de Baie-du-Febvre entre les routes 132 et le chemin du pays Brûlé (figure 1).

Méthode d'inventaire des oiseaux

Les oiseaux ont été inventoriés le long des bandes riveraines dans les secteurs Côté-Lefebvre/Brielle et Blondin. L'inventaire consistait à faire un dénombrement complet des oiseaux nicheurs en marchant lentement (2-3 km/hre) le long des berges des cours d'eau et en notant tous les oiseaux vus et entendus sur les berges et dans la bande riveraine, de même que dans les habitats adjacents jusqu'à une distance de 25 m (Deschênes et coll. 1999; Jobin et coll. 2001). Les secteurs à inventorier étaient divisés en sections longues d'environ 200 m et l'observateur notait tous les individus observés dans chaque section. Des cartes des sites inventoriés avaient été produites au préalable et les coordonnées géographiques inscrites sur les cartes permettaient à l'observateur de se positionner sur le terrain à l'aide d'un GPS. Pour le site de la ferme Bertco, l'inventaire consistait à faire un dénombrement complet des oiseaux nicheurs dans le champ en marchant lentement le long de transects distants d'environ 100 m et en notant la position de tous les individus recensés sur une carte du site (Jobin et Falardeau 2010).

Pour tous les secteurs, l'espèce, le sexe, le nombre d'individus, le comportement (alerte; alimentation; chant; etc.) et l'habitat fréquenté (cours d'eau et bande riveraine; champ; friche; forêt) par les oiseaux ont été notés. Les oiseaux qui s'alimentent au vol ont été notés (ex. hirondelles) mais ceux survolant les sites d'inventaires n'ont pas été retenus (ex. goélands volant hauts dans les airs). Trois inventaires ont été effectués à > 7 jours d'intervalle (29 mai, 5 juin, 15 juin 2012). Les trois secteurs étaient inventoriés au cours d'une même matinée. Les inventaires faits sous des conditions météo favorables (pas de pluie forte, vent faible) débutaient 30 min après le lever du soleil et étaient complétés avant 10h.

Méthode d'inventaire des anoures

Le protocole d'inventaire des anoures est basé sur celui utilisé dans le cadre du « Programme du suivi des populations d'amphibiens du Québec » (Société d'histoire naturelle de la vallée du Saint-Laurent 2009). Des points d'écoute distants de 500 m sont d'abord positionnés sur le terrain de façon à couvrir tout le territoire d'étude. Ces points sont ensuite visités à plusieurs reprises au cours de la saison puisque les anoures ne chantent pas tous à la même période. L'inventaire consiste à identifier les espèces d'anoures entendues à chaque point d'écoute pendant une durée de 3 minutes et à donner un indice d'abondance relative à chaque espèce :

0. Aucun cri
1. Individus peuvent être comptés
2. Quelques individus peuvent être comptés, d'autres se chevauchent (pas de chorale)
3. Coassements continus et se chevauchant, les individus sont impossibles à dénombrer (chorale)

Les inventaires débutaient une demi-heure après le coucher du soleil et ont été faits sous des conditions météo favorables (vent faible, précipitations faibles ou nulles). Le premier inventaire a eu lieu le 11 avril (ruisseau Blondin, ferme Bertco) et le 19 avril (secteur Côté-Lefebvre/Brielle) alors les 2^e et 3^e inventaires ont été faits le 15 mai et le 26 juin 2012 à tous les secteurs.

Résultats: Inventaires d'oiseaux

Secteur Côté-Lefebvre/Brielle

Au total, 24 espèces ont été observées dans le secteur Côté-Lefebvre/Brielle. Quatorze espèces ont été observées dans la bande riveraine et dans les champs adjacents et 12 espèces l'ont été dans le secteur en friche situé du côté du territoire du ministère de la Défense nationale (tableau 1).

Les espèces les plus abondantes étaient le Carouge à épaulettes, le Bruant chanteur et le Canard colvert, ces trois espèces comptaient pour plus de 67 % de tous les oiseaux observés. Moins de 18 % (n=56) des oiseaux ont été observés le long de la bande riveraine, le Carouge à épaulettes et le Bruant chanteur comptant pour près de la moitié de ces observations. Les espèces observées seulement le long de la bande riveraine (Canard branchu, Guifette noire, Hirondelle noire, Hirondelle rustique, Pic mineur) s'y alimentaient et n'y nichaient pas.

La nidification du Bruant chanteur a été confirmée dans la bande riveraine par l'observation d'adultes transportant de la nourriture. Plusieurs espèces associées aux milieux arbustifs (Moucherolle des saules, Paruline jaune, Paruline masquée, Tyran tritri) ont été observées uniquement dans les friches situées sur le territoire du ministère de la Défense nationale. À noter que seul le tiers de la branche Ouest de la rivière Brielle a été inventorié lors du deuxième inventaire car l'eau trop profonde dans les fossés n'a pas permis à l'observateur de se déplacer vers les sections suivantes vers l'ouest.

Secteur Blondin

Seize espèces ont été observées dans le secteur Blondin dont 10 espèces dans la bande riveraine et 11 espèces dans les champs adjacents (tableau 2).

Les espèces les plus abondantes étaient le Quiscale bronzé et le Carouge à épaulettes qui comptaient pour 73 % de tous les oiseaux observés. Plusieurs espèces observées dans la bande riveraine et le cours d'eau sont associées aux milieux humides, dont la Bécassine de Wilson, le Bruant des marais, le Canard colvert et le Troglodyte des marais, alors que les champs adjacents couverts de pâturages offraient des habitats à des espèces champêtres (Bruant des prés, Goglu des prés).

Plusieurs espèces ont été observées dans le seul grand arbre isolé situé en bordure du cours d'eau dont l'Étourneau sansonnet, l'Oriole de Baltimore, le Quiscale bronzé (un groupe de 75 individus lors du troisième inventaire) et le Viréo mélodieux. La nidification n'a pas été confirmée pour aucune espèce dans ce secteur.

Ferme Bertco

Au total, 15 espèces ont été observées dans la parcelle agroforestière à la ferme Bertco dont 7 espèces dans le champ aménagé et 14 espèces dans les milieux adjacents (champs cultivés, forêt feuillue, haie) (tableau 3).

Dans le champ aménagé, les espèces les plus abondantes étaient le Bruant vespéral, une espèce associée aux champs bien drainés, le Pluvier kildir dont la nidification a été confirmée par l'observation de plusieurs jeunes, et le Bruant chanteur. Les observations de ces trois espèces comptaient pour plus de 75 % des oiseaux observés dans le champ aménagé. De nombreuses espèces associées aux milieux arbustifs et forestiers, comme le Geai bleu, le Moucherolle des aulnes, la Paruline jaune, la Paruline masquée, le Pic maculé, le Tyran huppé, le Tyran tritri, et le Viréo aux yeux rouges, ont été observées uniquement en bordure du champ aménagé. Quelques espèces ont été vues survolant le site sans s'y arrêter dont la Tourterelle triste, le Quiscale bronzé et le Carouge à épaulettes.

Résultats: Inventaires d'anoures

Secteur Côté-Lefebvre/Brielle

Quatre espèces ont été détectées le long de la branche ouest de la rivière Brielle (figure 2). Le Crapaud d'Amérique et la Grenouille léopard étaient très abondants lors du premier inventaire alors que seulement quelques Grenouilles des bois étaient présentes. La Grenouille verte s'est manifestée plus tard en saison (inventaires 2 et 3). Environ 90 % des individus entendus le long de la branche sud-ouest de la rivière Brielle étaient situés sur les terrains de la Défense nationale. Seul le Crapaud d'Amérique a été entendu le long du ruisseau Côté-Lefebvre lors de la première visite.

Secteur Blondin

Quelques individus de trois espèces d'anoures ont été détectées lors des inventaires 2 et 3 dans le secteur du ruisseau Blondin soit le Crapaud d'Amérique, la Grenouille léopard et la Grenouille verte (figure 3).