Effets sur les perchaudes du fleuve Saint-Laurent
Une nouvelle approche pour déceler les effets des effluents municipaux sur les perchaudes du fleuve Saint-Laurent : Le fleuve Saint-Laurent, grand récepteur de rejets d’eau usée
Le fleuve Saint-Laurent est le cours d’eau ayant le débit le plus important au Canada. Il transporte l’eau des Grands lacs, desquels il prend sa source, jusqu’à l’océan Atlantique. Son bassin hydrographique occupe environ un million de km2.Notes de bas de page 1 De ce fait, plusieurs municipalités puisent leur eau potable à même le fleuve et rejettent leurs eaux usées dans son cours ou dans celui de ses tributaires. La plus importante station de traitement des eaux usées de l’Amérique du Nord est localisée à Montréal. Elle traite entre 2,5 et 7,6 millions de m3 d’eau par jour qu’elle rejette dans le fleuve à la pointe Est de l’île.Notes de bas de page 2
Des contaminants omniprésents
Les rejets urbains représentent une source continue de contaminants dans l’environnement aquatiqueNotes de bas de page 3. Ces effluents contiennent, notamment :
- Les composés perfluorés utilisés comme imperméabilisants et antitaches dans de nombreux objets, tels que le papier et le carton d’emballage des aliments, les tissus, tapis et les meubles. Plusieurs de ces substances sont persistantes dans les écosystèmes aquatiques.Notes de bas de page 4
- Les retardateurs de flamme ont la propriété de diminuer les risques de propagation de flamme. Ils se retrouvent principalement dans les ordinateurs, les tissus, les matelas et les meubles rembourrés. Ces composés sont persistants et plusieurs sont présents en concentration croissante dans l’environnement.Notes de bas de page 5
- Les métaux et les éléments traces sont présents naturellement dans les écosystèmes. Leur toxicité est variable et dépend de la nature de chacun. Certains sont essentiels pour les organismes vivants, mais ils peuvent devenir toxiques en raison d’une trop forte concentration ou des caractéristiques du milieu. Les rejets des industries qui se retrouvent dans les eaux usées urbaines représentent la principale source anthropique de contamination par les métaux pour le fleuve Saint-Laurent.Notes de bas de page 6
Des effets sur les organismes aquatiques
Les contaminants des effluents municipaux induisent des effets négatifs sur les organismes aquatiques et perturbent plusieurs de leurs fonctions biologiques.
Espèce | Effet |
---|---|
Méné à tache noire mâle | Débalancement des fonctions reproductives |
Truite arc-en-ciel | Modulation des fonctions immunitaires |
Les contaminants chimiques ont une dynamique complexe dans les écosystèmes. Afin de mieux gérer les risques associés à ces composés, il est primordial de déterminer leur présence et leur source ainsi que d’évaluer leurs effets biologiques sur les organismes aquatiques.
La perchaude du Saint-Laurent, un sujet d’étude intéressant
Photo :Simon Blais © Environnement et Changement climatique Canada
La perchaude (Perca flavescens) est une espèce indigène au fleuve Saint-Laurent qui se retrouve dans plusieurs portions du cours d’eau, dont le panache de dispersion des rejets de la station de la ville de Montréal. Un moratoire de cinq ans sur la pêche commerciale et récréative de la perchaude a été mis en place en 2012 dans un large secteur du fleuve.Notes de bas de page 10 Ce moratoire a été décrété en raison de la baisse de sa population dans le lac Saint-Pierre situé à une centaine de kilomètres en aval de Montréal. Sa grande répartition et sa situation précaire en ont fait le sujet idéal afin de réaliser une étude toxicologique portant sur les impacts des effluents municipaux sur l’espèce et de mettre à l’essai une nouvelle approche à plusieurs niveaux biologiques.Notes de bas de page 11 Cette étude visait à mieux comprendre les facteurs de stress pouvant s’exercer sur les populations de poissons du fleuve.
Une nouvelle approche pour évaluer les effets des effluents municipaux
L’approche multi-niveaux développée et testée dans le cadre de l’étude a permis de déterminer les concentrations des contaminants d’intérêt dans les tissus de perchaudes, de mesurer les réponses biologiques liées à une exposition prolongée à l’effluent de la ville de Montréal et d’évaluer les corrélations entre ces deux paramètres. Les réponses biologiques ont été observées au niveau des gènes, des activités des enzymes et de l’état des tissus de la perchaude.
Des perchaudes ont été collectées à trois sites : un en amont et deux en aval de la station d’épuration de la ville de Montréal. Le site en amont se trouve dans les îles de Boucherville et ceux en aval se situent à l’Îlet Vert et à l’Île Beauregard au large de Varennes. Des analyses chimiques ont été réalisées en partenariat avec des chercheurs gouvernementaux et universitaires pour déterminer les concentrations de composés perfluorés, de retardateurs de flamme, de métaux et d’éléments traces dans les perchaudes entières. Des échantillons de tissus hépatiques et musculaires ont aussi servi à réaliser les analyses aux niveaux des gènes, des cellules et des tissus.
Les résultats obtenus
Au moyen de cette étude, il a été possible de démontrer que les rejets municipaux ont un réel impact sur la santé des perchaudes qui y sont exposées. En effet, le mélange complexe de substances organiques présent dans cette eau rejetée influence l’alimentation et la grosseur des perchaudes : celles exposées aux effluents mangent à des niveaux trophiques plus bas et ont un poids supérieur à taille égale. De plus, les effluents sont une source importante de diphényléthers polybromés, des retardateurs de flamme dont la production et l’utilisation sont maintenant réglementées, et de fer provenant du chlorure de fer utilisé dans le traitement des eaux. Ces substances ont été retrouvées en plus grandes concentrations dans les perchaudes résidant dans le panache de l’effluent.
L’expression de plusieurs gènes dans le foie des perchaudes exposées aux effluents est significativement affectée par cette exposition. Ces gènes sont impliqués dans le système immunitaire, le métabolisme des lipides, le métabolisme du rétinol et les processus de détoxification. Les systèmes biologiques touchés sont fondamentaux et leur dérèglement peut mener à des conséquences plus graves à long terme chez les poissons.
Les tissus des perchaudes exposées ne sont pas plus altérés que ceux des perchaudes pêchées en amont de l’usine de traitement des eaux. Cependant, de l’inflammation et des lésions sur les tissus ont été observées à tous les sites de capture, ce qui porte à croire que d’autres sources de pollution affectent les perchaudes.
De nombreux liens statistiques ont été faits entre la présence de contaminants et certaines réponses biologiques. Tous appuient les données déjà publiées et suggèrent des pistes d’études.
Une nouvelle voie pour les études sur les contaminants environnementaux
L’approche biologique à plusieurs niveaux qui a été utilisée devient primordiale afin d’évaluer les réels impacts de contaminants sur des organismes vivants. Observer leurs effets à différents niveaux biologiques permet indubitablement de déceler des conséquences qui n’auraient pas été détectées par les approches traditionnelles. À l’aide des outils développés, d’autres études sur la perchaude ont été réalisées en continuation avec celle-ci, dont certaines se sont intéressées plus particulièrement à la population de perchaudes du lac Saint-Pierre.
Des processus biologiques indispensables à la survie des perchaudes
Le système immunitaire est fondamental à la défense contre les agents pathogènes. Un système immunitaire affaibli rend le poisson vulnérable aux bactéries, aux virus et aux champignons.Notes de bas de page 12
Le métabolisme des lipides génère les lipides essentiels aux poissons, car il est impliqué dans la production d’énergie à long terme.Notes de bas de page 13, Notes de bas de page 14
Le rétinol est une forme active de la vitamine A qui joue un rôle dans la vision, le système immunitaire et la formation de globules rouges.Notes de bas de page 15
Le détoxification est le processus par lequel le corps élimine toute substance toxique du corps, comme les toxines et les métaux.Notes de bas de page 16
Photo : Simon Blais © Environnement et Changement climatique Canada
Rédaction :
Laurie-Anne Bourdon
Environnement et Changement climatique Canada (ECCC)
Pour plus d’information, consultez l’article original intitulé “A multi-level biological approach to evaluate impacts of a major municipal effluent in wild St. Lawrence River Yellow Perch (Perca flavescens)” et publié dans la revue Science of the Total Environment, 497–498 (2014), p. 307–318. Visitez le site Web du Plan d’action Saint-Laurent.
Références
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