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Résumé

Le transport de marchandises par voie maritime est un élément important pour l’économie québécoise. Afin de permettre le passage des navires, le Saint-Laurent a été harnaché par des barrages et des écluses, alors que l’aménagement du chenal de navigation a nécessité le dragage de millions de mètres cubes de sédiments, modifiant ainsi de façon permanente la bathymétrie du fleuve, sa dynamique hydraulique, sa physico-chimie et ses habitats. Le chenal de navigation, qui concentre la moitié du débit du Saint-Laurent, est aujourd’hui un habitat pleinement intégré à la structure physique du fleuve. Malgré le peu de données disponibles, le chenal de navigation a longtemps été considéré comme une zone désertique d’un point de vue faunique. Cette perception est en partie expliquée par la difficulté d’échantillonner sécuritairement cette partie du fleuve où la vitesse du courant est rapide et le passage des cargos, fréquent. Le navire de recherche Lampsilis, acquis par l’Université du Québec à Trois-Rivières, a permis au ministère responsable de la Faune au Québec d’explorer une longue portion du chenal de navigation et de mieux comprendre son utilisation et son importance dans le cycle vital des poissons du Saint-Laurent. Ce rapport présente une première description de la communauté de poissons fréquentant le chenal de navigation du fleuve Saint-Laurent. Lors de cette exploration, trois autres types d’habitats ont aussi été échantillonnés à des fins comparatives, soit le talus du chenal, les fosses profondes naturelles et le littoral. Les résultats révèlent que le chenal de navigation est un habitat fréquenté par une communauté de poissons diversifiée (27 espèces) et distincte de celles peuplant les autres habitats. Notamment, l’esturgeon jaune, les deux espèces de doré (noir et jaune) et la barbue de rivière sont des espèces particulièrement répandues dans les habitats profonds (chenal et fosses naturelles). Nos résultats montrent aussi que les habitats profonds sont utilisés par les stades juvéniles de plusieurs espèces telles que l’esturgeon jaune, la barbue de rivière et l’alose savoureuse. Par ailleurs, les esturgeons jaunes de plus de 30 ans fréquentaient majoritairement les fosses naturelles. Cet inventaire pionnier des poissons du chenal de navigation soulève maintenant la question de la cohabitation de la faune aquatique avec le trafic maritime, un enjeu important pour les pêcheries du Saint-Laurent dans un contexte de développement durable de l’industrie maritime. Dans une perspective de conservation de la biodiversité et de gestion durable des espèces d’intérêt pour les pêcheries, les résultats de cette première description soulignent aussi l’importance de travailler à maintenir une diversité d’habitats dans le tronçon fluvial du Saint-Laurent.