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1. Introduction

Ce guide vise à orienter les gestionnaires de projets de dragage, ainsi que les praticiens en évaluation environnementale, sur la conception et la mise en œuvre de programmes de surveillance et de suivi environnemental (PSSE) adaptés à leurs projets. Dans le cadre de la planification, de l’approbation et du contrôle des projets de dragage, ce guide fournit une approche commune pour la surveillance et le suivi environnemental. Tout en assurant la conformité des PSSE avec les besoins identifiés lors des évaluations environnementales des projets de dragage, cette approche propose une démarche uniforme qui vise l’obtention de données comparables entre les divers projets.

Une certaine ambiguïté teinte parfois la distinction entre les activités de surveillance et celles de suivi. Ainsi, poursuivant l’objectif de gestion intégrée du dragage, le présent guide adopte les définitions suivantes, inspirées d’une revue des différentes définitions répertoriées dans la littérature (MDDEP, 2005; Michaud, 2000; AQÉI, 1999; EC, 1998; USEPA, 1994; Fredette et coll., 1990) :

  • Surveillance environnementale : Moyens et mécanismes mis en place en vue de s’assurer, pendant l’exécution des travaux autorisés, du respect des mesures environnementales déterminées au préalable, généralement lors d’une étude environnementale. Le programme de surveillance inclut les mesures d’atténuation ou de compensation, ainsi que les conditions, engagements et exigences fixés par les autorisations gouvernementales ou ministérielles et par les lois et règlements pertinents.
  • Suivi environnemental : Démarche scientifique qui permet de suivre, dans le temps et dans l’espace, l’évolution des composantes des milieux naturels et humains affectés par la réalisation du projet. L’objet du suivi est de vérifier la justesse de l’évaluation et de la prévision des impacts appréhendés, de juger l’efficacité des mesures d’atténuation des impacts environnementaux négatifs et de réagir promptement à toute défaillance d’une mesure d’atténuation ou de compensation ou à un effet environnemental inattendu. Le suivi environnemental permet également d’établir une base de connaissances afin d’améliorer la planification de travaux futurs.

1.1 Contexte d’un PSSE dans un processus d’évaluation environnementale

Lorsque sont entrepris des travaux de dragage et de gestion des sédiments, il est primordial de s’assurer que les impacts sur les différentes composantes des milieux naturels et humains soient minimisés et que les impacts résiduels soient compensés. C’est pour cette raison que des évaluations environnementales préalables sont effectuées. Mais, pour toutes sortes de raisons, des incertitudes peuvent subsister et ce, tant pour la prévision des impacts que pour l’efficacité des mesures d’atténuation proposées. L’objectif d’un PSSE est de circonscrire le mieux possible ces incertitudes qui soulèvent parfois des craintes de la part des autorités et du public. Le cas échéant, le PSSE proposera des mesures correctrices à appliquer lorsque des manquements, des défaillances ou des effets adverses sont observés durant la surveillance et le suivi du projet. La figure 1 illustre le contexte d’application d’un PSSE.

L’encadré A-1 de l’annexe A donne un aperçu du cadre légal fédéral et provincial définissant le processus d’évaluation environnementale des projets de dragage et de gestion des sédiments. Le PSSE fait partie intégrante de ce processus. Orienté par l’évaluation environnementale, il est conçu essentiellement pour vérifier et encadrer l’application des décisions prises dans le cadre de l’évaluation en cours. Il apporte des informations utiles qui permettent d’améliorer l’évaluation environnementale de projets similaires. De là l’importance de planifier adéquatement les activités de surveillance et de suivi. Une bonne planification facilite la mise en place d’activités communes et permet de profiter de toute leur complémentarité. Bien que les activités de surveillance et celles de suivi soient définies distinctement, leur élaboration ne constitue qu’un seul processus de planification.

La surveillance environnementale s’impose par son aspect juridique, puisqu’elle a pour but de s’assurer que les travaux soient conformes aux autorisations délivrées. Elle permet de vérifier les déclarations énoncées dans l’évaluation environnementale, tant au niveau de la conformité des activités que des impacts anticipés et des mesures d’atténuation mises en place. Pour ce qui est du suivi environnemental, bien que sa pertinence ne fasse aucun doute, il n’y a pas de critères clairement établis pour en déterminer la portée. Toutefois, une évaluation des éléments suivants aidera le gestionnaire de projet à déterminer quelle devrait être la portée du programme de suivi envisagé :

  • le degré de nouveauté d’un projet : si le type de technologie ou de projet n’a jamais été réalisé, le suivi permet alors de clarifier les impacts réels de ce type de projet;
  • la vulnérabilité de l’environnement : si le projet peut menacer une composante de l’environnement particulièrement sensible, un suivi devrait être exigé (p. ex. : prise d’eau, habitat faunique, espèce à statut particulier);
  • les conditions hydrodynamiques et hydrosédimentologiques : si le projet se réalise dans un secteur présentant des conditions particulières (p. ex. : secteurs à marée, banc de sable, érosion);
  • l’incertitude de l’analyse : si l’étendue de l’incertitude dans l’analyse des impacts est importante ou si la prévision des impacts est complexe;
  • l’ampleur du dragage : si la durée, le volume et la superficie du dragage sont importants;
  • le calendrier des travaux : si une grande période sépare le rapport d’impact et le début de la phase de réalisation du projet, car il est alors possible que certaines conditions environnementales aient évolué d’une manière non prévue lors de l’évaluation des impacts.

Dans ce contexte, il est essentiel qu’un PSSE soit élaboré et mis en œuvre par des spécialistes compétents et rigoureux. Ainsi, les ressources consacrées et les sommes investies permettront de recueillir des données fiables et des renseignements utiles à l’ensemble des intervenants.

Michaud (2000) a énoncé les principes directeurs qui devraient guider l’élaboration d’un PSSE.

Un PSSE doit :

  • être assorti d’objectifs visant à déterminer jusqu’à quel point les mesures d’atténuation permettront de protéger les éléments importants de l’écosystème et/ou de juger de l’exactitude des prévisions et des impacts sur ces éléments;
  • être en mesure de recueillir de l’information sur les éléments importants de l’écosystème à l’endroit proposé pour le projet (état de référence de l’écosystème);
  • être conçu de façon à ce que les résultats puissent servir à détecter les variations spatiales et temporelles possibles des effets dans la zone étudiée;
  • être centré sur une série d’indicateurs de l’état de l’environnement qui révéleront si le projet exerce ou non des effets significatifs sur les éléments importants de l’écosystème;
  • être scientifiquement rigoureux et reposer sur des hypothèses d’impacts vérifiables;
  • comporter des points de décision précis et être poursuivi tant et aussi longtemps que les hypothèses de départ sur les effets du projet n’ont pas été confirmées ou réfutées;
  • comporter plusieurs campagnes d’échantillonnage de manière à couvrir une période compatible avec les hypothèses d’impacts ou suffisante pour permettre l’examen de l’efficacité des mesures d’atténuation;
  • être basé sur un plan statistique rigoureux et préalablement déterminé;
  • comporter des mécanismes de contrôle et d’assurance de la qualité;
  • être évolutif et assez souple pour permettre l’insertion de techniques nouvelles ou améliorées de suivi et pour tenir compte des résultats de PSSE antérieurs;
  • être gérable en ce qui a trait aux exigences et aux échéances.

Les lois, règlements, directives et politiques fédérales et provinciales en vigueur sont les déclencheurs du processus d’évaluation environnementale. Il en découle alors la réalisation d’études environnementales dont la portée est définie par les autorités compétentes. À la suite de ces études, ces autorités se prononcent sur le projet par l’émission ou non, d’autorisations. Dès lors, les activités du PSSE sont initiées par la caractérisation de l’état de référence de l’écosystème, c’est-à-dire son état avant le début des travaux de dragage et/ou de gestion des sédiments. Les activités de surveillance et de suivi s’effectuent pendant les travaux, alors que celles de suivi se poursuivent après les travaux. La figure 2 positionne les activités de surveillance et de suivi dans le processus d’élaboration d’un projet et de son évaluation environnementale.

Cette figure illustre également en quoi les résultats de la surveillance et du suivi environnemental peuvent améliorer la performance environnementale de chacune des phases du projet. Cette figure a été adaptée du mémoire du Comité sur le suivi environnemental de l’Association québécoise pour l’évaluation des impacts (AQÉI, 1999).

1.2 Approche proposée

L’approche décrite dans le présent guide s’appuie sur le document de Michaud (2000), un rapport synthétisant une série de notions et de renseignements nécessaires à l’élaboration et la mise en œuvre d’un PSSE pour les travaux de dragage et de gestion des sédiments.

Cette approche propose la réalisation d’un PSSE en douze activités regroupées en quatre phases distinctes illustrées à la figure 3 : la phase d’élaboration (4 activités), la phase de mise en oeuvre (6 activités), la phase de communication (1 activité) et la phase de révision (1 activité). La dernière phase permet une itération du processus afin de réviser ou d’actualiser les étapes des phases précédentes, si nécessaire.

Les trois prochaines sections du document décrivent en détail les activités qui composent les quatre phases constituant un PSSE. En complément d’information, l’annexe B propose d’autres références bibliographiques utiles à l’élaboration de PSSE pour les projets de dragage et de gestion des sédiments.